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LE PROCÈS


constamment à discuter les charges qui pesaient sur lui ; il niait tout.

La partie ignoble de l’accusation, les histoires de femmes ramassées par Guénée, avait été réservée à Gribelin. Une femme galante avait refusé les offres de Dreyfus, parce que les liaisons avec des hommes mariés sont, d’ordinaire, très courtes. Cette femme l’avait déclaré elle-même à un agent sûr qui l’interrogeait. Dreyfus avait eu d’autres amours, avant et depuis son mariage[1].

Cochefert déposa à son tour, mais sans passion, de la scène de la dictée, ainsi que des vaines perquisitions.

VII

Dreyfus n’avait point ému ses juges, mais il avait ébranlé leurs convictions. Sûrs de son crime avant l’audience, ils hésitent maintenant. Sa physionomie est ingrate, mais son attitude a été ferme, ses réponses topiques. Innocent ou simulateur adroit ? Le doute naissait. Son crime avait paru évident à Mercier, à Boisdeffre, à tout l’État-Major, qui l’affirment. Mais quelles preuves ? Peut-on condamner sans preuves ?

L’état d’esprit de Picquart était le même[2]. Il dit à Boisdeffre, au ministre, son impression : le vide des débats, les charges insuffisantes, l’acquittement possible

  1. Gribelin reprend à Rennes la même déposition : « Je crois, dit-il, avoir reproduit la déposition verbale que j’ai faite en 1894 devant le conseil de guerre. » (Rennes, I, 587.)
  2. Cass., I, 131 ; Rennes, I, 379, Picquart.