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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


protestation, reprit son ton grave, sec, et bien loin de déclamer, ne fit plus que discuter avec le président, puis avec les témoins, sans aucun trouble, avec une mémoire étonnamment exacte des détails, les phrases nettes et les arguments d’un mathématicien au tableau noir, qui analyse et démontre.

Que Dreyfus ait ou non connu les sujets qui étaient indiqués au bordereau, cela ne prouvait pas qu’il en fût ou non l’auteur. De ces questions il aurait pu être instruit, mais comme tout autre officier, notamment comme ses camarades de promotion, qui ont passé par les mêmes écoles, puis par les mêmes bureaux de L’État-Major, ont reçu le même enseignement, participé aux mêmes travaux. Si ces officiers[1] n’ont pas été accusés au lieu de lui, c’est que leur écriture ne ressemble pas à celle du bordereau. La sienne y ressemble. Tout le procès est là. Une seule charge : le bordereau ? Non, l’écriture du bordereau.

Maurel était fort étranger aux questions techniques ; il y parut à son embarras. Dreyfus maintint toutes les réponses qu’il avait faites à D’Ormescheville. Maurel se réfugia dans l’équivoque ou dans de brutaux refus. Quand Dreyfus établit qu’il n’a pas eu connaissance officielle des modifications aux formations de l’artillerie, Maurel allégua qu’un artilleur « n’a pu s’en désintéresser ». S’il convint que Dreyfus n’avait pas vu tirer la pièce de 120 et qu’il n’avait fait copier en septembre, comme autre chose, que des documents sans grande importance sur la couverture, il soutint que la note écrite sur Madagascar était celle du caporal Bernollin, et que le manuel était celui du capitaine Jeannel. Dreyfus insista

  1. Putz, Guillemin, Souriau, qui avaient été les camarades de Dreyfus au deuxième bureau pendant le premier semestre de 1894.