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LE PROCÈS


de les développer. Cet arrêt, que le président du conseil de guerre a évoqué, ne s’applique pas ; il porte seulement qu’un jugement n’est pas nul par ce seul fait que l’accusé n’a pas été consulté sur le huis clos. Mais le droit de l’accusé à être entendu est formel, s’il le demande ; trois arrêts de la Cour suprême le consacrent. Demange en donne lecture.

Maurel, Brisset, écoutent cette lecture avec indifférence. Qu’importent ces grimoires ? Le rédacteur judiciaire de Drumont observe, joyeusement, « qu’en cette enceinte où la subtilité du texte se brise contre la rigueur inflexible du fait, ces arrêts ont des mines d’intrus, égarés au milieu d’un camp… »

Mais dès que Demange essaye d’exposer que le tribunal, avant de se prononcer sur la publicité des débats, doit s’inspirer des faits de la cause, les interruptions brutales le coupent, de nouveau, à chaque phrase. « Un arrêt l’a déclaré… — Je le nie. — Les éléments moraux, comme la conduite antérieure de l’accusé et le mobile ne peuvent intéresser l’ordre… — C’est la plaidoirie ! — Le rapport contient le procès-verbal de la pièce… — Je vous arrête, hurle Maurel, la demande de huis clos devient illusoire ! — C’est une tactique, appuie Brisset. — En présence de l’insistance du défenseur, le conseil va se retirer pour délibérer. »

Que faire ? Protester que la défense n’est pas libre, quitter la barre, abandonner l’innocent à quelque officier, improvisé avocat d’office ? Demange resta. Aussi bien, malgré l’étouffement de sa voix, a-t-il réussi à faire entendre la parole de vérité, que la presse a recueillie, qui restera, la solennelle déclaration qu’il n’y a qu’une seule pièce au dossier. Il s’incline donc, et, d’un dernier mot, essaye de panser les plaies du combat. S’il a repoussé le huis clos, ce n’est pas qu’il croie la décision