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LE HUIS CLOS


minieux[1]. » Il dénie à la société le droit de « tuer moralement et matériellement un de ses enfants, si elle n’a pas fourni, étalé les preuves irrécusables de son crime ». Et encore : « Il y a quelque chose d’inhumain, d’horrible qui révolte la conscience, dans le lamentable spectacle d’un homme qu’on déshonore et qu’on tue dans les ténèbres, cet homme fût-il le plus grand coupable et le plus ignoble scélérat. À plus forte raison, quand le prévenu nie, oppose une invincible résistance à l’accusation, fait appel, suivant son droit, au contrôle souverain de l’opinion publique[2]. »

La Lanterne publia toute une série d’articles[3], nerveux, pleins de sens, singulièrement perspicaces, mais anonymes, et, dès lors, au milieu d’un tel conflit de passions, d’une plus faible portée. Le journaliste masqué dénonçait « le gouvernement occulte qui essaie de naître dans l’ombre, en attendant le jour où il se sentira assez fort pour se produire en pleine lumière ». Aucun moyen de parer à ce péril, de mettre fin à l’affolement du pays, au supplice infligé à la conscience française, sinon la publicité des débats : « Dreyfus est accusé par ses chefs d’avoir trahi la patrie ; c’est la patrie tout entière, l’universalité des Français, qui doit instruire son procès et prononcer son jugement. »

Enfin, çà et là, quelques lignes. Une du Siècle : « Nous ne voyons que des avantages aux débats publics[4]. » Une du Figaro : « Le huis clos ne servirait qu’à prolonger le scandale[5] » « L’Écho de Paris était inféodé à l’État-Major ; cependant Bauer et Fouquier, d’une plume

  1. Autorité du 8 décembre 1894.
  2. Autorité du 18.
  3. 7, 8, 13, 19 décembre.
  4. 2 novembre.
  5. 11 décembre.