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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


loyauté. Sandherr lui laissa certainement ignorer cette lettre où Panizzardi désigne, sous son sobriquet de Dubois, le vendeur de cartes[1]. Mais Sandherr lui avait communiqué la dépêche du 2 novembre. Même, il en avait étudié « les versions successives », — il n’y en a que deux, — et n’eût-il connu que la première, puisqu’il y avait noté l’hésitation des déchiffreurs « à donner pour ferme le membre de phrase : Émissaire prévenu[2] », il savait dès lors, par le reste, incontesté, du texte, que Panizzardi ne connaissait pas Dreyfus. Dès lors aussi, Dreyfus ne pouvait pas être l’ami dont il était question dans la lettre Davignon.

Sandherr avait également remis à Du Paty « une déclaration d’Henry, au sujet des propos que lui avait tenus une personne honorable[3] ». C’étaient les déclarations de Val-Carlos, les deux premières qui avaient été notées par Guénée, en mars et avril, sur la présence d’un traître à l’État-Major ; la dernière, notée par Henry lui-même, où le sycophante espagnol précisait et fuyait à la fois, désignait le deuxième bureau, dont Dreyfus avait fait partie, mais refusait de dire le nom qu’il avait offert, précédemment, à Guénée[4]. Pièce terriblement

  1. Cass., III, 356 (pièces 152 à 158 du dossier secret).
  2. Rennes, III, 511, Du Paty : « Pour cela, je fis une note dont le texte prouve bien qu’il était, à mon avis, indispensable de procéder à une vérification, avant d’en tirer aucune conclusion… Je déclare que je n’ai jamais vu ni dit à personne que j’avais vu une version du télégramme chiffré où figurassent les mots : Précautions prises, et où fût donné pour ferme le membre de phrase : Émissaire prévenu. » — Selon Du Paty, ce serait cette même note, de décembre 1894, qu’il avait fait remettre à Mercier, avant le procès de Rennes.
  3. Rennes, III, 512, Du Paty.
  4. À l’agent Guénée, mars 1894 : « Il faut vous rappeler ce que je vous ai déjà dit au sujet des relations qui existent entre Schwarzkoppen et Panizzardi. Dites bien à ces messieurs que ces relations prennent chaque jour un caractère qui semble