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LE DOSSIER SECRET


Sancy, chef de bureau, qui, d’ordinaire, renseigne officiellement l’attaché allemand[1]. Il est impossible que ce soit Dreyfus.

Du Paty invoquait cette autre preuve. Un jour. Guénée avertit le service des renseignements que l’attaché militaire d’Espagne[2] est allé en Suisse pour le compte de Schwarzkoppen. Or, celui-ci a raconté au deuxième bureau, lors d’une de ses visites hebdomadaires, qu’il était surpris de ce voyage. Doléances hypocrites n’ayant d’autre objet que de cacher ses relations avec l’attaché espagnol, mais d’où il résulte que Schwarzkoppen savait l’État-Major au courant. Et qui, sinon Dreyfus, a pu aviser Schwarzkoppen que l’État-Major était informé ?

Raisonnement stupide[3], alors même que Schwarzkoppen eût su que l’État-Major savait. Mais tout est hypothèse, et hypothèse de Guénée ! C’est Guénée qui suppose que l’Allemand et l’Espagnol travaillent ensemble, que l’Espagnol est allé en Suisse pour le compte de l’Allemand, que Schwarzkoppen a appris qu’on connaissait le voyage à l’État-Major et qu’il feint de s’en formaliser.

Ensuite, Du Paty voyait dans la pièce Canaille de D… la signature même du bordereau. La pièce, on l’a dit, était ancienne, — de 1892, au plus tard de 1893. Sandherr l’avait donnée à Du Paty comme du printemps de 1894. Elle était de Schwarzkoppen ; le ministère des

  1. La lettre de Schwarzkoppen à Süsskind sur « l’homme des forts de la Meuse » débute ainsi : « Au moment de partir je reçois la réponse de Sancy au sujet du nettoyage des armes Schombin. J’emporte la chose, et répondrai de Berlin. » De Paris, le 29 décembre 1898. — (Rennes, I, 77, Mercier.)
  2. Le commandant Mendizoria.
  3. Rennes, I, 410, Picquart. — La niaiserie de l’argumentation de Du Paty est telle que Mercier lui-même, à Rennes, n’a pas osé invoquer ce témoignage de Guénée.