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LE DOSSIER SECRET


corps de troupe… important seulement… sortant du ministère. » Du Paty applique ces mots, non aux documents offerts, mais à l’espion qui s’offre, et traduit : « Il n’y a aucun intérêt à avoir des relations avec un officier du corps de troupes ; il n’y a d’intérêt à avoir des relations qu’avec un officier sortant du ministère de la Guerre. »

Combien plus vraisemblable l’interprétation de Picquart : « Les pièces (offertes) ne viennent pas des corps de troupes, il n’y a d’importantes que les pièces qui viennent du ministère[1]. »

Cette observation s’imposait que Schwarzkoppen n’aurait pu avoir des doutes sur l’origine des documents livrés, si le traître avait été Dreyfus. Celui-ci n’avait qu’à décliner sa qualité de capitaine d’artillerie, attaché à l’État-Major général de l’armée ; il n’eût pas offert, surtout au début de ses relations, des pièces sans valeur, alors qu’il avait intérêt à faire coter très haut ses services[2].

Mais Du Paty aurait chassé cette pensée, si elle lui était venue.

La notice continuait par une lettre de Panizzardi à Schwarzkoppen : « J’ai écrit au colonel Davignon ; je vous prie, si vous avez l’occasion de vous occuper de cette question avec votre ami, de le faire particulièrement, de façon que Davignon ne vienne pas à le savoir ; du reste, il ne répondrait pas. Car il ne faut jamais faire

  1. Cavaignac lui-même traduit ainsi : « Les documents ne prennent d’importance que lorsqu’ils viennent du ministère. » (Cass., I, 34) — Toute la pièce s’applique à Esterhazy, naturellement, sans effort. Esterhazy a prétendu qu’il avait été un intermédiaire (comme contre-espion) entre le service des renseignements et Schwarzkoppen. (Cass., I, 593, lettre du 13 janvier 1899 au premier président Mazeau.)
  2. Cass., III, 573, mémoire Mornard.


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