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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


la parole impériale mise en doute, les excitations des professionnels du patriotisme, réveillaient les passions. Les journaux annoncèrent que le comte de Munster avait fait une déclaration comminatoire à Hanotaux ; le Gouvernement impérial romprait les rapports diplomatiques si le Gouvernement français ne faisait pas cesser les attaques contre les attachés militaires[1].

Les journaux officieux de Berlin rectifièrent : « Il n’est pas conforme aux usages diplomatiques de commencer, par des menaces de ce genre, les négociations sur les plaintes qu’un gouvernement se voit forcé d’adresser à un autre[2]. » La rectification était plus sévère que la fausse nouvelle et fit, une dernière fois, réfléchir Mercier.

Le chantage, à peine interrompu, du journal de Drumont reprit aussitôt, mélange savant de flatteries et de menaces. Visiblement, son inspirateur ordinaire s’alarme des nouvelles tergiversations de Mercier. Les indiscrétions recommencèrent, les informations, moitié fausses, moitié vraies. Soufflée par Henry, la Libre Parole déclara qu’une lettre avait été trouvée dans les papiers d’un attaché militaire de la Triple-Alliance, « pièce accablante pour Dreyfus », et tellement grave que, si les débats sont publics, « il faudrait s’attendre à tout ». Or, il serait question de la supprimer. Ainsi, « il ne resterait plus contre Dreyfus que des présomptions ; le but des juifs serait atteint[3] ».

Hanotaux porta cet article au président du Conseil, lui rappela, une fois de plus, les précédents de l’affaire, ses prévisions réalisées par l’événement. Dupuy, piteusement, lui « déclara qu’il n’avait jamais pu saisir

  1. Tagblatt de Berlin, Correspondance de Hambourg, etc.
  2. Gazette de l’Allemagne du Nord et Post du 7 décembre.
  3. Libre Parole du 7 décembre, article de Gaston Méry.