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LE DOSSIER SECRET


Hanotaux rappela au conseil les engagements qui avaient été pris au sujet du bordereau[1], à savoir que le lieu d’origine de ce document ne serait pas révélé. Dès le lendemain, la Libre Parole publia une violente diatribe contre Hanotaux. « Il avait été appelé à l’ambassade d’Allemagne. C’était déjà ainsi du temps de Ferry. » Après de longs pourparlers entre l’ambassadeur et Hanotaux, « le Gouvernement était décidé à étouffer l’affaire Dreyfus ». Les débats auraient lieu à huis clos, pour éviter de faire connaître « le rôle exact des attachés militaires allemands ». Si les débats étaient publics, il faudrait s’attendre au pire. Tout était réglé d’avance : le traître ne sera pas acquitté, car nul ne pourrait prévoir « les suites d’un pareil défi au patriotisme », ni même décoré, comme l’annonçait le romancier Barrès[2] ; mais il sera condamné à la prison, « et on le fera évader, quelque temps après, comme Bazaine ». Tel était « le plan de la juiverie internationale ». Encore une fois, la Libre Parole jette le cri d’alarme : le Gouvernement s’arrêtera-t-il « dans cette voie infâme » ? saura-t-il « reculer devant une trahison, qui serait plus épouvantable que celle de Dreyfus »[3] ?

Cet article était à double fin : intimider le Gouvernement, et mettre à sa charge, comme une honte de plus, comme une concession arrachée par la peur de l’Allemagne, le huis clos résolu, depuis longtemps, dans la pensée de Mercier, et indispensable pour assurer la condamnation. Les patriotes avaient voulu le débat public ; la lâcheté des gouvernants s’y dérobait.

Le ton de la presse allemande devenait vif. Les subterfuges d’Hanotaux, un parti pris si évident d’iniquité,

  1. Rennes, I, 220, Hanotaux.
  2. Cocarde du 1er décembre.
  3. 5 décembre, article de Gaston Méry.