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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


et Du Paty, dans son rapport à Mercier, rappelle lui-même l’enquête, ordonnée par le ministre, qui a établi « qu’aucun document secret n’a disparu ni pu disparaître du ministère ». Puis, avec quelle insistance l’espion fait valoir le seul document qu’il annonce, mais qu’il n’envoie pas encore, à son employeur, les difficultés qu’il a éprouvées à se le procurer, l’obligation qu’il invente de le rendre après les manœuvres ! Et c’est ce manuel, nullement confidentiel, autographié par la section technique à plus de 3.000 exemplaires[1], qu’un officier d’État-Major n’avait qu’à demander pour l’avoir et que les régiments d’artillerie ont reçu à profusion[2] ! Les exemplaires n’en étaient pas numérotés, ne portaient même pas le timbre du régiment ; les commandants des batteries les touchaient au bureau d’habillement ; les officiers n’eurent pas à en donner de reçu ; quelques régiments en firent tirer à la presse des copies supplé-

  1. Rennes, III, 211, Hartmann.
  2. Jeannel : « Je lui ai immédiatement prêté un de ces exemplaires ; il me l’a rendu quarante-huit heures peut-être ou trois jours après. » (Rennes, II, 77.) — De Fonds-Lamothe : « Le colonel Picquart m’en a donné un ; je l’ai gardé tout le temps que j’ai voulu… C’est moi qui ai demandé au colonel Bardol à aller à la troisième Direction demander des manuels pour les stagiaires… On disposait, comme on voulait, du manuel assimilé aux théories. » (Rennes, III, 287.) — Le manuel de tir fut envoyé, dès le 16 mars, aux corps de troupe, à raison, d’abord de cinq exemplaires par régiment, puis de trois par batterie. L’État-Major en reçut d’abord six, puis, par bordereau du 26 mai, dix exemplaires. (Cass., II, 333, Deloye ; Rennes III, 211, Hartmann.) Roget convient que ce document « autographié » n’était pas secret, qu’il ne portait même pas la mention confidentiel, que les exemplaires n’en étaient pas numérotés et qu’il n’a jamais été question pour les officiers d’artillerie de les rendre « ni après les manœuvres ni à aucun autre moment ». (I, 91.) Et de même Cuignet (I, 351). Bruyerre, officier de territoriale, produit l’exemplaire du manuel, tiré à la presse régimentaire, qu’il a eu, pour quatre sous, au 29e régiment d’artillerie, en mai 1894 (I, 615) ; et le capitaine Moch celui