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LA CAPITULATION DE MERCIER


instrument est Du Paty, petit-fils de ce président du parlement de Bordeaux, qui, vengeur volontaire d’une erreur judiciaire, dans son Mémoire pour trois hommes condamnés à la roue[1], dénonce, comme la honte de la justice, l’usage des charges inconnues de l’accusé. Il a rappelé les vieux arrêts : « Toutes les fois qu’il survient de nouvelles charges, il faut nécessairement interroger de nouveau l’accusé sur les faits résultants de ces nouvelles charges, à peine de nullité… Ainsi jugé par arrêt de la Tournelle du 24 juillet 1712, et par un autre du 9 janvier 1743[2]. » Il s’écrie : « Quoi ! le droit de se justifier ne serait plus qu’une grâce ! Quoi ! le juge serait encore le maître d’accorder ou de refuser la justification aux accusés !… Refus barbare, il n’y a pas de cœur qui ne le sente ; mais je soutiens que ce refus est une irrégularité, qui annule tout jugement ultérieur !… Je ne veux point reproduire ici, concernant la justification des accusés, ni les arguments de la raison, ni les cris du genre humain, ni les larmes de tant d’accusés, ni le sang de tant d’innocents. Mais je dirai du moins, de tout mon pouvoir, que, plus une loi tyrannique retient, dans le silence et les ténèbres, pendant tout le cours de la procédure, la justification des accusés, les expose à tous les caprices du sort, à tous les efforts de la calomnie, à tous les outrages du temps, plus aussi, lorsqu’un moment avant le jugement, et se ressouvenant enfin, comme par hasard, de l’innocence, cette loi lui permet alors de paraître et de parler un moment, plus alors cette loi doit forcer la justice à écouter un moment l’innocence, à lui prêter son flambeau. Non, non, je ne demande point que vous donniez, comme

  1. À Paris, de l’imprimerie Denys Pierre, 1786.
  2. Mémoire, p. 97.