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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


neur à la Chambre, de les prendre dans deux ou trois compagnies, et même dans des bataillons différents, la violation flagrante de la loi, le mépris insolent des décisions du Parlement. Il fut fort applaudi. La commission de l’armée eût préféré joindre l’interpellation à la discussion du budget de la guerre ; son président, l’académicien Mézières, invité à prendre la parole, constata cependant, lui aussi, la désorganisation des corps d’armée sur toute l’étendue du territoire. Enfin, les explications confuses, embarrassées de Mercier furent écoutées au milieu d’un silence glacial. Pour lui épargner un vote de blâme, le président du Conseil accepta, à la hâte, l’aumône de l’ordre du jour pur et simple.

Mercier sortit de cette séance l’ombre de lui-même, écrasé, définitivement jugé comme incapable. La presse, le lendemain, accentua la défaite. Et ce qu’on savait de son projet pour l’expédition de Madagascar n’était pas l’objet de moins violentes critiques.

Cependant Boisdeffre, son collaborateur en toutes choses, restait indemne, respecté de tous, et Rochefort le lui proposait comme modèle, « patriote et vrai soldat ». Nulle tentative plus grossière de séduction. Rochefort, qui se flattait d’avoir fait Boulanger, s’offrait à Mercier. Il racontait que le ministre de la Guerre, enfin pris de honte, avait déclaré au Conseil sa résolution « d’aller jusqu’au bout, c’est-à-dire de faire condamner à mort et fusiller le traître[1] ». Et, le louant « de ce bon mouvement », il lui promettait de « passer de son côté », s’il se décidait à jeter à la face de Casimir-Perier et de « l’impudique gorille nommé Joseph Reinach » sa démission motivée.

Mercier examina avec Boisdeffre les pièces réunies par

  1. Intransigeant du 28 novembre.