Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/270

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
248
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Précautions prises[1]. Mais c’est un fait que la traduction, même dans sa partie conjecturale, ne les contient pas[2].

Sandherr fit prendre copie (par Henry) du texte chiffré et du feuillet original[3] qui portait, sous chacun des groupes, les hypothèses successives des cryptographes. — Un jour, parmi tous ces mots, dont plusieurs ont été suggérés, presque involontairement, par la pensée dominante de l’affaire qui vient d’éclater, essayés, puis abandonnés, mais qui sont restés inscrits[4], il s’en trouvera qui, habilement groupés, permettront de fabriquer une traduction accusatrice[5].

  1. Cass., I, 546, Mercier ; 557, Boisdeffre ; 561, 564, Gonse.
  2. Cass., I, 546, un conseiller à Mercier. La Cour de cassation et le conseil de guerre de Rennes ont eu les pièces mêmes sous les yeux. Le « souvenir » des trois généraux s’explique par la nécessité de justifier le faux texte qui fut fabriqué par la suite et où figurent ces mots : « Le capitaine Dreyfus est arrêté ; le ministre de la Guerre a la preuve de ses relations avec l’Allemagne ; toutes mes précautions sont prises. »
  3. Rennes, III, 511, Du Paty : « Au commencement de décembre, Sandherr m’a montré : 1° un télégramme chiffré ; 2° deux versions de ce télégramme. »
  4. Proba, relazione, — les deux mots, d’ailleurs, sous le même groupe, et, dès lors, s’excluant l’un l’autre, ne pouvant être exacts l’un et l’autre, — arrestato, Germania, etc.
  5. Il n’est pas contestable que le faux texte de la dépêche a été établi ainsi. La démonstration en a été faite, d’une façon irréfutable, par Paléologue, d’ordre du ministre des Affaires étrangères, devant les chambres réunies de la Cour de cassation. (III, 177.) Mais quand fut-il fabriqué ainsi ? C’est ce que Paléologue ne recherche point et ce que j’aurai à montrer. En tous cas, de ce que ce faux a été établi par quelqu’un qui avait sous les yeux les divers essais des cryptographes, il résulte que quelqu’un avait pris, le jour même, copie de l’ébauche qui n’avait été confiée à Sandherr, pour une heure, qu’à titre confidentiel, et cela est confirmé par Du Paty. (Rennes, III, 511.) Indiscrétion, mais, d’abord, sans préméditation coupable. Cependant le faux est en puissance, à l’état latent, dans cette copie de l’ébauche cryptographique.