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LA CAPITULATION DE MERCIER


caractéristique[1], sur papier à cases. Les groupes chiffrés y sont reproduits, avec, sous chacun d’eux, les traductions successives, ici certaines, là hypothétiques. Sandherr l’emporta au ministère de la Guerre[2], et avisa Gonse, Boisdeffre et Mercier[3].

Leur montra-t-il le feuillet original qui lui a été remis[4] ? Il dit, en tout cas, que le déchiffrement des derniers mots n’était pas définitif. Mercier[5] et Gonse[6] en conviennent ; Boisdeffre prête ce propos à Sandherr : « Eh bien, mon général, voilà une preuve de plus de la culpabilité de Dreyfus[7] ! »

Étrange preuve qui eût résulté de ces deux mots : Émissaire prévenu, qui étaient signalés expressément comme douteux[8] !

Plus tard, Mercier, Boisdeffre et Gonse ont cru se souvenir que la traduction portait en outre ces mots :

  1. Cass., I, 546 ; question d’un conseiller à Mercier.
  2. Cass., I,.394, Paléologue.
  3. Gonse et Boisdeffre déclarent avoir été avisés par Sandherr. Mercier ne se souvient pas s’il a été informé par Sandherr ou par Boisdeffre. (Cass., I, 546.) Selon Gonse, ce fut par Sandherr. (Cass., I, 561.) Boisdeffre ne sait pas si ce fut par Sandherr ou par lui-même. (Cass., I, 556.)
  4. Boisdeffre s’en tait ; Gonse ne s’en souvient plus. (Cass., I, 561.) Mercier le nie : « La traduction m’a été présentée sur papier blanc ordinaire, en écriture courante. » (Cass., I, 546.) Gonse, en tout cas, a eu par la suite entre les mains la copie du feuillet cryptographique. Je le prouverai, notamment par une lettre de lui à Du Paty.
  5. Cass., I, 545 ; Rennes, I, 502, Mercier.
  6. Cass., I, 561, Gonse.
  7. Cass., I, 556, Boisdeffre.
  8. Alors même que la traduction eût été donnée comme certaine, la preuve eût été faible. De ce que Panizzardi, au milieu de la fièvre provoquée par l’affaire Dreyfus, aurait prévenu son « émissaire », il n’en résulterait point que Dreyfus eût été espion aux gages de l’Italie, — bien au contraire, — ni qu’il fût l’auteur du bordereau trouvé ou volé à l’ambassade d’Allemagne.