Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, La Revue Blanche, 1901, Tome 1.djvu/263

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
241
LA « LIBRE PAROLE »

Mercier s’appuiera peut-être sur Saussier. Mais Saussier, lui aussi, est suspect. Qui ne connaît ses amitiés juives[1] ?

Cet énorme chantage n’épargne que Boisdeffre, ami et pénitent du Père Du Lac.

Sans qu’il ait été besoin, peut-être, de les solliciter, la Croix, l’Intransigeant, l’antique Gazette de France, le Petit Journal, la Cocarde donnent de la voix dans ce concert. Rochefort, surtout, bafoue Mercier, « son incurie, sa bêtise, sa mauvaise foi[2] ». Décidé à sauver le traître, Mercier, « son quasi-complice », le fera comparaître, à huis clos, devant un conseil de guerre qui le frappera d’une modeste réprimande, « les officiers ne se fusillant pas entre eux » ; Mercier n’a pas commis moins de sept crimes, que Rochefort énumère, et « en voilà beaucoup plus que la Convention n’en aurait demandé pour faire fusiller le Ramollot de la guerre[3] ». Un collaborateur de Barrès expose que Mercier, sollicité par les juifs, « allait se débarrasser de Dreyfus en l’expédiant à l’étranger, quand Henry s’y opposa avec énergie » et força la main au ministre[4]. Mais, visiblement, Rochefort et les autres ne font ici que suivre Drumont, la Libre Parole qui a pris la tête du mouvement.

Combien de temps durera ce siège de l’honneur d’un homme ?

  1. Libre Parole du 7 novembre.
  2. Intransigeant du 5.
  3. Ibid.
  4. Cocarde du 4.
16