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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


interrogatoire du général de Boisdeffre lui-même[1] ». Boisdeffre en a déposé[2]. L’enquête avait été conduite avec le plus grand soin, à Nancy et à Nice, par Cochefert ; à Paris, par le commandant Henry, « chef du bureau des renseignements[3] ».

Dreyfus avait commencé par s’aboucher avec un officier italien qui lui avait livré, pour un peu d’argent, des pièces sans importance. Ainsi amorcé, il avait remis à ce même Italien d’autres pièces d’amorçage, et s’était fait payer. Alors, le goût du métier lui était venu. Les plans, tous les documents qu’il avait pu se procurer, il en avait trafiqué, « les plans de mobilisation du XVe corps, série C, ceux du fort de Briançon et des points offensifs dans les Alpes[4] ».

C’était le secret même de la mobilisation « qu’il avait vendu à l’Allemagne[5] ».

Rochefort tient ces renseignements « d’un attaché du ministère de la Guerre qu’il a vu à Bruxelles[6] ».

Quand Mercier « fait dire que les documents vendus sont de peu d’importance », Rochefort et Drumont sont en mesure de le démentir. Si les pièces étaient sans importance pour la mobilisation, la Triple Alliance n’aurait pas été assez naïve pour les acheter. On n’en connaît ni la nature ni le nombre, « attendu qu’après les avoir communiquées à l’Allemagne, le Dreyfus les

  1. Temps du 2 novembre ; Autorité du 5.
  2. Patrie du 15.
  3. Intransigeant et Petit Journal du 2.
  4. Libre Parole du 2. L’information est reproduite par tous les journaux. La mention exacte de la lettre de série indique la provenance du mensonge.
  5. Libre Parole du 2, Intransigeant du 7, etc.
  6. Intransigeant du 7. Il n’est pas impossible qu’un officier d’État-Major soit allé « renseigner » Rochefort à Bruxelles, comme le fera plus tard, en 1897, le commandant Pauffin, par ordre de Boisdeffre.