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L’ARRESTATION


d’écrire, et vous verrez[1]. » Cette ondulation est si faible, tout le reste de la dictée est d’une écriture si régulière que l’État-Major, par la suite, n’osera pas en publier le fac-similé.

Il en eût été autrement si l’écriture avait été tremblée, saccadée, — révélatrice, par quelque signe certain, de la peur du criminel qui se sent pris[2].

Il écrivait lentement, les doigts un peu roidis, venant du dehors où il faisait froid.

Du Paty observe qu’il ne pouvait avoir froid aux doigts, vu « qu’il était entré au ministère depuis près d’un quart d’heure et que la température des bureaux était normale[3] ». Gribelin insiste : « Dreyfus était arrivé ganté, et il y avait dans le bureau un très grand feu[4]. »

S’il y avait un très grand feu dans le bureau, c’est qu’il faisait froid au dehors. Dans son bulletin quotidien, le Bureau météorologique constate que, le 15 octobre, « la température continue à s’abaisser, qu’elle est inférieure à la normale de 2°,9, que le thermomètre avait marqué, le matin, 5 degrés à Paris », et qu’il ventait du nord.

Du Paty n’a consigné nulle part son interpellation ; il se borne à dire « qu’il interrogea Dreyfus sur les motifs de son trouble, à haute voix et sur un ton un peu

  1. Rennes, I, 607, Dreyfus.
  2. Au procès de Rennes, le colonel Jouaust observe seulement que « l’écriture s’élargit, est moins bien formée à partir de la phrase sur le frein hydraulique ». Dreyfus convient que l’écriture est plus large, mais à partir des mots : « Je vous rappelle », qui n’ont rien de commun avec le bordereau (I, 39). Picquart dépose : « En mon âme et conscience, je ne vois pas le moindre signe de trouble dans cette écriture. » (I, 377.) De même, le conseiller Bard dans son rapport (Revision, p. 29.)
  3. Rapport de Du Paty, 31 octobre 1894.
  4. Rennes, I, 596, Gribelin.