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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


domicile de l’accusé pour y perquisitionner avec Cochefert. Défense de révéler à Mme Dreyfus le local où son mari sera retenu. Il invitera formellement Mme Dreyfus « à ne pas ébruiter l’arrestation de son mari[1] ».

Mercier signa lui-même l’ordre d’écrou qui fut remis à Henry[2] et l’ordre de perquisition ainsi motivé : « Attendu qu’il résulte des documents parvenus que Dreyfus (Alfred) se serait rendu coupable de haute trahison et que des faits d’espionnage seraient établis à sa charge[3]… » Ce pluriel était un mensonge.

On envisagea l’hypothèse où Dreyfus, pris au piège, ferait, sans tarder, « des aveux complets ». On escomptait ces aveux. Il fut convenu qu’un revolver d’ordonnance, chargé d’une balle, serait placé, dans le cabinet de Boisdeffre, à proximité de Dreyfus, « afin qu’il pût se faire justice lui-même[4] ».

Cela parut à Cochefert « conforme aux traditions d’honneur de l’armée ».

Mais on considéra aussi l’hypothèse où Dreyfus protesterait de son innocence. Mercier avait précisément consulté Saussier, ainsi qu’il l’avait avoué, il y a quatre jours, à Hanotaux[5]. Le généralissime s’était opposé aux poursuites. Comme gouverneur de Paris, il y était le chef de la justice militaire, et les prisons militaires dépendaient de lui. Mercier défendit d’avertir Saussier. Il avait pris l’engagement formel, quatre jours auparavant, au petit conseil, « de ne pas poursuivre, s’il ne trouvait pas d’autres preuves que le bordereau »[6]. Il

  1. Rennes, III, 506, Du Paty.
  2. Cass., I, 317 ; Rennes, III, 104, Forzinetti ; Rapport de Du Paty (31 octobre) à Mercier.
  3. Revision, audience du 27 octobre 1898, Rapport Bard, 23.
  4. Rennes, III, 520, Cochefert.
  5. Rennes, I, 220, Hanotaux.
  6. Ibid., 219.