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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


portée qu’on lui attribue[1]. L’attitude embarrassée du colonel Schneider, qui, après avoir donné le 17 août un démenti absolu et sans restriction, a dû, à la suite de la déposition du commandant Cuignet, admettre la possibilité que le texte eût été écrit de sa main, serait de nature à fortifier sur ce point la conviction du général Roget[2].

« Pour apprécier toute cette discussion, nous avons tenu à nous reporter à l’original même de la pièce. Nous l’avons retrouvé dans le dossier secret, où il figure sous le n° 66 bis, et nous avons constaté qu’il diffère entièrement de l’extrait placé par le général Mercier sous les yeux du Conseil de guerre de Rennes. En voici le texte complet, tel qu’il résulte de la traduction qui en a été faite par le service des Renseignements[3] :

« Depuis quelques jours, le cas du capitaine Dreyfus, condamné en 1894 pour haute trahison, fait de nouveau beaucoup de bruit dans la Presse.

« Un des vice-présidents du Sénat, M. Scheurer-Kestner, serait sur la trace des preuves d’innocence du condamné, et il doit y avoir sous peu une interpellation à ce sujet à la Chambre. On ne sait qu’une chose jusqu’à présent : c’est qu’un certain nombre de journalistes ont interpellé M. Scheurer-Kestner, qui prétend que l’on s’est trompé dans l’appréciation de l’écriture, que la trahison a bien eu lieu, mais que le traître était un autre que Dreyfus. On avait déjà bien des fois émis une pareille supposition, et je ne serais pas revenu là-dessus, si, depuis un an, je n’avais appris par de tierces personnes que les attachés militaires allemand et italien avaient soutenu la même thèse dans des salons, à droite et à gauche. Ces indiscrétions ont-elles franchi les limites de certains cercles et constituent-elles la base de la conviction de M. Scheurer-Kestner ? c’est ce que l’on verra dans la suite ; mais cette supposition n’a rien d’invraisemblable. Je m’en tiens tou-
  1. Général Roget, Enq. crim., I, 625.
  2. Général Roget, Enq. crim., I, 623-624. — Lauth, Rennes, I, 631-633.
  3. Dossier secret, cote 66 bis.