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L’AMNISTIE


qu’au profit exclusif du général Mercier… Je supplie le Sénat de me laisser mon droit à la vérité, à la justice[1].

Je proposai à Picquart et à Zola de demander à être entendus par la Commission. Zola écrivit à Clamageran : « Je veux être jugé et achever mon œuvre. » Picquart : « La loi m’atteindrait deux fois, puisqu’elle m’amnistierait d’un délit que je n’ai pas commis et me comprendrait dans une même mesure avec le général Mercier et ses complices. » J’invoquai mon droit « de prouver devant le jury que j’avais fait œuvre d’historien » : « J’ai été soucieux seulement d’établir le véritable rôle des principaux auteurs d’un crime judiciaire[2]. »

La Commission nous reçut quelques jours après[3], nous écouta avec attention, mais son parti était pris. Sauf son président Clamageran, elle était décidée à supprimer nos procès.

Le jour même où elle entendit nos explications, Esterhazy lui écrivit : « J’ai fait, devant le consul général de France, quatre longues dépositions Le prétexte d’apaisement est un mensonge… Ce qu’on veut, ce que vous allez faire par ordre, c’est assurer certaines impunités et sauver Reinach et Picquart… Chacun sait que tout cela est convenu d’avance entre Reinach et ceux qui lui obéissent servilement, »

Cette vilaine sottise (que Waldeck-Rousseau était secrètement d’accord avec Picquart et avec moi) avait été inventée par le journal d’Arthur Meyer[4]. Depuis, elle remplissait les journaux de droite, circulait dans les cercles, dans les couloirs de la Chambre. Drumont

  1. 8 mars 1900.
  2. 9 mars.
  3. 13 mars.
  4. Voir p. 53.