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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


suspect, ni sur des dépositions évidemment mensongères, comme celles du témoin Cernuski, l’accusation a en définitif invoqué contre Dreyfus : 1° ses prétendus aveux ; 2° le dossier secret ;

En ce qui concerne les prétendus aveux :

Attendu qu’avant comme après sa condamnation du 22 novembre 1894, Dreyfus n’a jamais cessé de se proclamer innocent ;

Qu’il l’a crié à plusieurs reprises en passant devant le front des troupes le jour où il a été dégradé, 5 janvier 1895 ;

Attendu toutefois que le capitaine de la garde républicaine Lebrun-Renaud qui avant la dégradation, se trouvait avec lui dans une salle de l’École militaire, a affirmé l’avoir entendu prononcer certaines paroles qu’on a prétendu être des aveux, mais au sujet desquelles lui-même a dit en 1899 devant la Chambre criminelle : « On peut très bien ne pas considérer la déclaration de Dreyfus comme des aveux ; si on m’a parlé d’aveux, j’ai pu dire qu’il ne m’en a pas été faits » ;

Attendu qu’après enquête l’arrêt des Chambres réunies du 3 juin 1899 a refusé de voir dans ses propos, tels qu’ils étaient relatés, un aveu de culpabilité parce que non seulement ils débutaient par une protestation d’innocence, mais qu’il n’était pas possible d’en fixer le sens exact et complet à raison des différences existant entre les déclarations successives du capitaine Lebrun-Renaud et celles des autres témoins ;

Attendu que, si le général Mercier, alors ministre de la Guerre, avait pris un seul instant ces propos au sérieux quand ils furent répétés, il n’aurait pas manqué d’en faire dresser procès-verbal et surtout de faire interroger Dreyfus sur la nature et l’importance des documents livrés, puisque tel avait été le but de l’entretien que, par son ordre, le commandant du Paty de Clam, chargé de provoquer des aveux, avait eu avec le condamné le 31 décembre précédent.