rait se borner à constater « que la nomination était faite en conformité des règlements », mais « qu’un devoir tout autre incombait à l’Ordre » : « Devant une affaire qui a retenti si douloureusement dans le monde entier, je tiens à ajouter que nous devons considérer cette décision comme une juste réparation vis-à-vis d’un soldat qui a enduré un martyre sans pareil[1], » Fallières, le jour même, signa le décret.
La parade militaire eut lieu le surlendemain.
Le jour était gris et terne. La petite cour a le décor classique, un peu triste, des quartiers de cavalerie. En avant, la façade du pavillon, le fronton orné de l’aigle impériale et d’une panoplie de drapeaux ; à droite et à gauche, les écuries ; au fond, la salle des rapports et les cuisines. Aucune note officielle n’a annoncé la cérémonie. L’assistance est peu nombreuse : la famille, Picquart, Baudouin, Anatole France, des journalistes, des photographes[2]. Ni Mornard, ni Demange ni moi n’avons été prévenus. Ranc, Jaurès, Pressensé, le vieux Manau, Hartmann, Freystætter, vingt autres qui devraient être là, n’ont pas été avisés. Targe n’a point invité André[3]. La cérémonie sera discrète, presque secrète.
Vers une heure et demie, Dreyfus arrive, en grand uniforme, le dolman noir aux tresses à quatre galons et le képi à grenade d’or des officiers hors cadre. Quelques officiers le reçoivent, s’entretiennent avec lui.
Un appel strident de trompettes. Les artilleurs descendent des chambrées, se rangent dans la cour ; puis paraissent deux escadrons de cuirassiers. Les troupes,