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LA REVISION


ayant été chargé par Saussier d’assister à la dégradation de Dreyfus, lui avait télégraphié, la parade sitôt terminée : « Dreyfus a protesté de son innocence et crié : Vive la France ! Pas d’autre incident… » Il lui avait rendu compte ensuite, verbalement, des prétendus aveux dont il tenait le récit de Lebrun-Renaud. Baudouin n’acceptait pas que la dépêche pût avoir trait seulement à la cérémonie de la parade, où il ne s’était, en effet, point produit d’autre incident que la protestation de Dreyfus, exactement relatée par l’officier ; il l’appliquait à toute la tragique matinée et en concluait que Guérin n’avait point cru tout d’abord à la réalité de l’aveu. Il n’y avait pourtant rien de singulier à ce que Guérin eût réservé pour sa conversation avec Saussier le récit de Lebrun-Renaud, et rien d’étonnant qu’il n’eût pas attaché sur le moment aux aveux l’importance qu’il y attribua par la suite ; la culpabilité de Dreyfus ne faisait doute alors pour à peu près personne ; les quelques hommes qui s’en inquiétaient n’appuyaient leur intuition que sur des preuves morales et la parole de Demange. Baudouin tenait en outre « la découverte de ce lamentable télégramme » pour un fait nouveau[1], bien que Guérin eût mentionné sa dépêche dans sa déposition de Rennes et qu’il en eût limité le sens, dès qu’il avait su l’accusation portée contre lui au cours de l’Enquête[2]. Guérin, que je ne connaissais point, mais qui me croyait équitable, était venu alors me trouver. Les commentaires de Targe sur sa dépêche, le réquisitoire écrit de Baudouin, lui avaient valu de tomber en disgrâce, arrêtaient sa nomination au grade de général, malgré les plus beaux états de service.

  1. Revision, I, 482, Baudouin. — De même Mornard (II, 316).
  2. Lettre du 19 mais 1905 au Procureur général (Revision, I, 284, Moras).