taille ; Mathieu avait l’âme plus haute que sa destinée.
Demange prit place à côté de Mornard ; Labori, cette fois, s’abstint. Boyer, le rapporteur de 1903, et Chambareaud étaient morts[1]. Le président de la Chambre des requêtes était toujours Tanon ; la présidence de la Chambre criminelle avait passé à Bard, le rapporteur de 1898 ; celle de la Chambre civile à Sarrut, avocat général, qui avait guidé autrefois Scheurer de ses conseils[2].
Tous les membres de la Cour avaient reçu le compte rendu sténographique des dépositions devant la Chambre criminelle et les commissions spéciales[3] ; ils avaient également le réquisitoire écrit de Baudouin et le mémoire de Mornard, construits sur des plans à peu près semblables, d’une égale science juridique, d’une argumentation incisive, mais qui, parfois, voulaient trop prouver et mêlaient, à tant de réalités qui suffisaient, d’inutiles hypothèses. Ainsi, Baudouin ne repoussait pas comme absurde, jugeait au contraire fort acceptable l’impudente invention d’Esterhazy que Sandherr, enragé d’antisémitisme, déjà à demi fou, lui avait fait écrire le bordereau afin de fournir par la similitude d’écriture une preuve matérielle contre le juif[4] ; et Mornard, qui n’acceptait pas toute la fable d’Esterhazy, en tirait cependant qu’il avait joué le rôle d’espion double, avec l’assentiment, sinon de Sandherr, du moins d’Henry ; qu’Henry et Esterhazy fournissaient Schwarzkoppen de documents sans valeur ou frelatés, dupant le Prussien et se partageant son argent ; et que le bordereau n’était pas arrivé à Henry,