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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


Syveton un tableau de concours pour la Légion d’honneur, paraphé par le ministre, avec renvoi, pour chaque candidat, aux fiches de Mollin. Parmi ces candidats se trouvaient des officiers qui étaient en Chine ou au Tonkin. Un commandant de corps d’armée, suivant l’exemple d’en haut, avait correspondu avec Vadecard, réclamé le concours de la maçonnerie pour « désensoutaner l’armée des officiers inféodés à Sarto » (le pape Pie X) ; le général Peigné se targuait encore d’avoir fait envoyer à la frontière de l’Est, comme en punition, un chef de bataillon et quatre capitaines[1]. On publia également la note de Waldeck-Rousseau sur ses conversations avec Percin et avec Combes.

À chaque liste de fiches qui paraissait, le dégoût des honnêtes gens montait. Le mal fait à l’armée, au corps d’officiers était immense. La « délation maçonnique » était un mal : quelque légitime qu’en fut la révélation, cette publicité incessante, inlassable, était un autre mal, de conséquences aussi graves.

Défendre les « fiches », aucun moyen de mieux servir ceux qui les avaient achetées et profitaient du scandale. Que le conseil de l’ordre du Grand-Orient, après avoir déféré Bidegain à la justice maçonnique, lançât à tous les frères un appel public, où il « glorifiait » les actes qu’on lui reprochait[2], décrétait que la société

  1. Lettre du général Peigné, commandant du 9e corps d’armée au T.·. C.·. F.·. Vadecard, du 29 août 1904.
  2. « Dont nous nous glorifions justement… Et c’est devant les cris de pudeur effarouchée de ces gens-là que tant de républicains de la Chambre, parmi lesquels tant de maçons, se sont un instant émus ! Si bien qu’aucun n’a pu dire, au moment opportun, la parole qu’il fallait, ni saisir l’occasion de glorifier la Maçonnerie, attaquée par ses éternels adversaires, et proclamer, à la face de tous, qu’elle avait bien mérité de la Républi-