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L’AMNISTIE


Parlement ne pouvait tromper que des complices. Jonnart (ancien ministre de Casimir-Perier et gendre d’Aynard, l’un des hommes qui, par sa droiture et son talent, avait le plus honoré le Centre) saisit l’occasion pour rompre avec Méline. Il lui écrivit vivement que la Haute-Cour suffisait à juger le complot des royalistes et de Déroulède ; quelques jours après, dans une autre lettre, à Cornély, il constata la faillite du parti modéré en raison de son attitude pendant l’Affaire[1].

Les modérés, avec Méline et Billot, auraient pu avoir tout l’honneur de la revision quand Scheurer-Kestner la leur avait apportée ; ils pouvaient s’associer, après les aveux et la mort d’Henry, aux efforts de Brisson : ils l’avaient renversé ; enfin, quand Waldeck-Rousseau, par un dernier coup de fortune, leur, offrit de réparer leurs fautes et d’organiser avec lui la défense républicaine, ils l’avaient d’abord dégoûté par leurs exigences, puis rejeté vers les radicaux et les socialistes. Maintenant, les conséquences de tant de maladresses et de misères commençaient à apparaître ; c’étaient le pouvoir passé, pour des années, aux « avancés » ; l’enrôlement des socialistes dans l’armée républicaine, alors que ni Bourgeois ni Brisson n’avaient osé auparavant « déplacer les frontières des partis » ; l’imminence d’une nouvelle lutte contre les gens d’Église, « conspirateurs incorrigibles, battus toujours, au 16 Mai, avec Boulanger, et remontant toujours à l’assaut de la République » ; la liberté d’enseignement menacée : « C’est l’odieuse doctrine à laquelle les Provinciales ont infligé une impérissable flétrissure qui vient de triompher à Rennes ; cette doctrine s’enseigne quelque part… » ; la guerre religieuse, déchaînée par les antisémites, « qui se portera contre les

  1. Figaro du 21 septembre 1899.