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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


den[1], malgré les déclamations des derniers nationalistes sur l’appel « des étrangers de l’intérieur[2] » à ceux de l’extérieur. Le vieux général alsacien ne s’y arrêta point, trouvait naturel et honorable de chercher les pièces de la trahison où elles étaient.

Baudouin, saisi par Mornard d’une demande de commission rogatoire, pressentit Delcassé qui en référa au Conseil des ministres. Il fit valoir plusieurs objections : Waldeck-Rousseau n’a pu obtenir communication des documents énumérés au bordereau ; le gouvernement impérial avait marqué son mécontentement, à plusieurs reprises, du peu de compte que l’opinion et les juges avaient tenu de ses déclarations précédentes, du discours de Bülow, en 1898 et de la note du Moniteur de l’Empire en 1899[3] ; les relations avec l’Allemagne paraissaient, depuis quelque temps, tendues ; un refus serait déplaisant et d’effet fâcheux. André s’étant prononcé comme Delcassé, le Conseil décida de ne point transmettre la commission rogatoire, si Mornard persistait à la demander, et de l’engager à y renoncer.

Il n’est point sûr que les cabinets de Berlin et de Rome auraient refusé de laisser interroger Schwarzkoppen et Panizzardi[4]. Mais, certainement, ils n’auraient point ouvert leurs archives, étalé la marchandise d’Esterhazy, quelques bons documents mêlés au fatras de pièces frelatées et de commérages de cercles et de corps de garde.

Cette histoire, malgré tant d’efforts, restera incomplète, comme toutes les histoires. Il y a trop de tiroirs

  1. Voir p. 314.
  2. Barrès, Scènes du Nationalisme, 211.
  3. Voir t. III, 318 et t. V, 494.
  4. Lettre de Bjœrnson à Gabriel Monod, du 30 juin 1904. — Voir p. 181.