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L’ENQUÊTE


ter[1]. Pour Ducassé, il ne pouvait ni se pourvoir contre le refus d’André de lui donner des juges, parce qu’il, n’existait aucun recours légal, ni provoquer Clemenceau ou Picquart, parce qu’il se serait exposé à l’injure d’un refus. À l’époque où Picquart l’avait dénoncé pour la première fois, il avait pensé tout de suite à lui demander une réparation par les armes ; deux officiers supérieurs de ses amis, à qui il s’adressa, l’engagèrent à prévenir le ministre, en raison du retentissement qu’aurait l’affaire ; André lui fit répondre, par son chef de cabinet Percin, « de se tenir tranquille[2] ».

L’enquête de la Cour de cassation lui fournit enfin l’occasion de s’expliquer, et il le fit avec une telle fermeté d’accent, une loyauté si manifeste et tant de tristesse contenue qu’il toucha les plus prévenus contre lui. Ils ne virent plus en lui qu’une victime de la discipline et des lois imprévoyantes qui enlèvent le soldat à son dur, mais noble métier, pour le mêler aux choses de la justice, qu’il ignore, et à celles de la police, qui l’avilissent. Il a obéi à Pellieux, l’envoyant chez Bertulus, comme il a obéi, plus récemment, à André l’envoyant à Ploërmel pour y procéder à l’expulsion de moines récalcitrants[3]. Car les luttes civiles continuaient et véri-

  1. « Ministre d’intelligence déclanchée qui se dit et se croit peut-être républicain », « céphalopode à plumes », etc.
  2. 30 juillet 1901.
  3. « Dernièrement, il y a eu des incidents à Ploërmel ; si j’avais refusé de marcher, c’eût été du propre. Je n’avais pas plus à hésiter à cette époque… » (Cour de cassation, 12 février 1904, 9 mai 1904.) — Lors des incidents de Ploërmel plusieurs officiers du 116e refusèrent d’obéir à la réquisition du préfet. Le conseil de guerre de Nantes ne retint contre eux que l’inculpation d’abandon de poste et les condamna à quatre mois de prison. Cette décision ayant été cassée par le conseil de revision pour fausse application de la loi, l’affaire fut renvoyée devant le conseil de guerre de Tours qui pro-