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L’ENQUÊTE

IX

La Cour entendit ensuite les anciens ministres de la Guerre, à l’exception de Cavaignac et de Chanoine, les chefs de l’ancien État-Major et leurs principaux officiers[1].

Qu’entre tant de soldats qui avaient aidé à commettre ou à couvrir pendant si longtemps le crime judiciaire, il ne s’en soit pas trouvé un seul pour suivre, même si tard, l’exemple déjà lointain de Picquart et de Freystætter et convenir de son erreur, c’est une des grandes tristesses de cette histoire qui en est si pleine. Toute l’éclatante lumière qui s’était déjà faite, le temps écoulé, l’apaisement des esprits, leur rendaient l’aveu aussi facile qu’honorable. Pourtant aucun n’en eut le simple courage, tant l’amour-propre parle plus haut chez la plupart des hommes que la conscience et tant il est, semble-t-il, moins pénible de charger son nom devant l’histoire que de faire sortir ces quatre petits mots : « Je me suis trompé… » de son gosier. Même Galliffet, qui n’avait pas été brave qu’au feu, et Freycinet, l’une des plus claires intelligences de son temps, et qui n’avaient pas trempé au crime, se refusèrent à eux-mêmes de s’inscrire parmi les ouvriers de la dernière heure et restèrent à « l’Enfer des tièdes ».

Quelle que soit leur obstination dans l’erreur, les dépo-

  1. Mercier (26 et 29 mars et 2 mai 1904) ; Zurlinden (29 mars) ; Billot (25 avril) ; Freycinet (4 juin) ; Galliffet (11 juin) ; Boisdeffre (25 avril) ; Gonse (22 et 24 mars) ; Roget (2 et 7 mai) ; Rollin (29 mars) ; Pauffin de Saint-Morel (23 avril) ; Junck, Lauth et Bertin-Mourot (30 avril) ; Mareschal et François (7 mai) ; Cuignet (14 et 16 mai).