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L’ENQUÊTE


matérielle[1] », maintenant il en est certain, à cause « d’un détail qui lui avait échappé », à l’époque de son enquête, mais dont l’importance capitale a été révélée récemment par Bertillon.

C’était la dernière grande découverte de l’anthropométreur.

Le bordereau porte, sur le bord libre droit du recto, une entaille formée par un coup de ciseau longitudinal ; une encoche analogue existe sur l’une des lettres de Mathieu Dreyfus qui a été saisie dans le buvard de son frère par Du Paty et qui, selon Bertillon, a été écrite également sur gabarit. Ces deux encoches, « étant placées comme distance, comme direction et comme longueur au même point », « et se superposant mathématiquement », sont « des signes de reconnaissance entre les deux correspondants » ; elles ont servi en outre à régulariser l’écart des lignes, et « les deux documents ont donc cohabité ». « Comme le document trouvé avenue du Trocadéro (chez Dreyfus) n’a pu venir de la rue de Lille (de l’ambassade d’Allemagne), il faut que le document trouvé rue de Lille (le bordereau) vienne de la rue du Trocadéro. » Tant qu’on n’aura pas expliqué à Du Paty pourquoi la lettre de Mathieu et le bordereau portent un signe, une coupure au même point, et pourquoi ces deux coupures se superposent, il croira que Dreyfus est un traître[2]. Au surplus, selon un autre extravagant (le commandant Corps), la lettre du buvard n’était pas de Mathieu, bien que celui-ci l’eût reconnue ; elle était d’Alfred, qui s’était appliqué à en recopier l’original sur gabarit, pour s’ha-

  1. Lettre du 29 octobre 1894 à Boisdeffre (Voir p. 304 et Appendice II.)
  2. Déposition du 22 mars 1904.