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L’ENQUÊTE


traire, lui a envoyé un émissaire[1] avec des menaces ; « Si vous bougez, On vous brisera… » ; il est resté coi, son nom n’en a pas moins été prononcé, et il a été obligé de donner sa démission et de prendre sa retraite. Aussi n’en veut-il ni à Guénée ni à Henry, mais à Mercier qui les manœuvrait « comme des machines » et qui l’a perdu[2].

Au Mont-Valérien, après le suicide d’Henry, on avait trouvé dans le portefeuille du mort, une lettre, d’ailleurs banale, de Val-Carlos, mais d’un ton familier qui révélait l’intimité[3]. Il reconnut la lettre, raconta qu’Henry, peu de jours auparavant, l’avait « convoqué » à Rouen pour affaire[4] : « Vous arriverez par un train et moi par l’autre… » ; mais il n’avait pu aller au rendez-vous.

    saient au ministère, il lui avait dit : « Cherchez, Henry, cherchez, vous trouverez… » Mais il se défendit d’avoir donné des indications précises pouvant mettre sur la trace de Dreyfus. » (Cour de cassation, 2 mai 1904) — Baudouin donne connaissance à Roget de la déposition de Val-Carlos en ce qui le concerne ; Roget se fâche : « C’est un abominable mensonge ! », etc.

  1. « Étant à Dieppe, vient le colonel de la Cornillière (son beau-frère) que je ne voyais plus depuis des années… » — Mercier dépose qu’il a, en effet, envoyé la Cornillière auprès de Val-Carlos, mais pour lui demander de venir, éventuellement, déposer à Rennes ; Val-Carlos aurait promis de le faire, « si c’était indispensable ». (Cour de cassation, 26 mars 1904.) De même Boisdeffre : « Le général Mercier m’a dit que Val-Carlos était prêt à venir témoigner. » (25 avril 1904.) — Le colonel de la Cornillière était mort.
  2. Cour de cassation, 22 mars et 14 mai 1904.
  3. « Dieppe, lundi 29 août 1898 : Mon cher ami, je suis heureux d’avoir eu de vos nouvelles et de vous dire que j’ai reçue votre lettre. Je vous désir de bonnes chasses et que vous ayez beaucoup de gibier. Nos meilleurs souvenirs pour tous les vôtres et bien à vous et de tout cœur, votre ami bien dévoué. » (Rapport de Roget, du 1er septembre 1898.)
  4. « Au sujet de quoi ? demande le Procureur général. — Au sujet de la guerre de Cuba », c’est-à-dire (apparemment) du rapport espagnol sur l’emploi des canons à tir rapide, qui avaient été achetés, chez Krupp, à l’occasion de la guerre cubaine. C’était