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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


militaire. Dès lors, ou celui ci était un faux témoin, ou celui-là était un voleur.

Il n’y aurait point eu de doute si ce grand d’Espagne que son père, le beau Guell y Rente, avait eu d’une infante, colonel de cavalerie et diplomate, avait été « la personnalité honorable » qu’avaient dit Mercier, Boisdeffre et Cavaignac ; mais il n’en avait que le décor, et encore usé, crevassé et mal repeint. Les explications qu’il donna, mélange confus de demi-aveux très bas et d’inventions grossières, le montrèrent tel qu’il était à l’intérieur et ôtèrent toute valeur à son démenti. — Guénée, « dont il avait fait, dit-il, la connaissance au café » et « qu’il recevait à sa table », l’a mis en rapport avec Henry ; Henry lui a donné de l’argent, 1.500 francs en plusieurs fois, mais pour un tiers[1], qui n’a fourni d’ailleurs qu’un seul rapport, et la fatalité veut que ce tiers ait disparu ; Guénée, après le premier procès de Dreyfus, lui a demandé d’écrire à Henry que l’officier condamné était bien le même qui renseignait les attachés militaires ; Val-Carlos a refusé, sans s’étonner autrement de l’infâme proposition et qu’on l’eût supposé homme à y consentir ; enfin, Guénée encore, à la veille de Rennes, lui a amené Roget ; Roget l’a rassuré : « Ne craignez rien, nous savons que vous ne vous êtes pas occupé de l’affaire Dreyfus…[2] » ; Mercier, au con-

  1. « Avez-vous, demande Baudouin, recherché Mestre Amabile ? Avez-vous sa lettre ? — J’ai écrit ; on ne sait pas où il est, » Il y aurait eu cependant un officier de la marine espagnole de ce nom. (Revision, II, 325 et 332, Mornard.)
  2. Roget place l’entretien « entre la fin de septembre et le commencement de novembre 1898 », avant sa déposition à la Chambre criminelle. « Le premier mot de Val-Carlos fut celui-ci : < ;« Comme c’est malheureux, cette mort d’Henry ! C’était mon ami !… Je l’aimais tant ; pourquoi s’est-il tué ? » Il m’a dit qu’il voyait souvent Henry… Au moment où des fuites se produi-