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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


« S’autorisant du précédent des Chambres réunies », elle admit le Procureur général et Mornard à assister aux audiences plénières[1].

L’audition des témoins, commencée le 8 mars, dura sans interruption jusqu’à la fin de juillet[2].

L’enquête de 1904 est, pour ainsi dire, construite sur l’enquête de 1898-1899 ; elle est le second étage de l’édifice dont les fondations sont le procès de Zola. Pour qui avait su lire, entendre et comprendre, toute la vérité était déjà dans les débats du procès, — le bordereau d’Esterhazy, la folie de Bertillon, la forfaiture de Mercier, les mensonges de Lebrun-Renaud, la fausse lettre de Panizzardi (le faux Henry). — À l’enquête pour la première revision, la vérité s’élargit, mais, surtout, se dégage et se précise : ce qu’on entrevoyait, on le voit ; ce qu’on pressentait, on le touche ; ce qu’il fallait déduire, on le sait ; pourtant les juges ont seulement écouté les témoins, ils leur ont posé à peine quelques questions. Au contraire, les conseillers qui siègent à présent, les nouveaux venus comme leurs aînés, les uns et les autres plus instruits des choses devenues si anciennes, plus forts aussi du temps écoulé, et surtout l’ardent et impatient procureur général, poussent les témoins jusqu’à l’extrême limite de leurs souvenirs et ne leur laissent aucun mensonge de réserve. Les témoins diront, cette fois, tout ce qu’ils savent. Leurs dépositions (qui ressemblent parfois à de durs interrogatoires) terminées, tout ce qu’ils n’auront pas déclaré sous serment sera marqué d’avance imposture et calomnie. Peu d’histoires, ayant été envahies par plus de légendes, auront été plus complètement sarclées.

  1. Arrêt du 7 mars 1904.
  2. Les dépositions qui, lors de la première revision, avaient été seulement résumées, furent recueillies par la sténographie.