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L’ENQUÊTE


la demande en revision « recevable en la forme » et « qu’il serait procédé à une instruction supplémentaire[1] ».

VII

Deux des plus nobles artisans de la justice s’éteignirent, Trarieux quelques jours, Duclaux quelques semaines après cet arrêt précurseur de la victoire finale. Auguste Molinier et Gallé, le maître-verrier de Nancy, le premier et, pendant longtemps, presque le seul à parler en Lorraine pour la cause du droit, moururent à peu près dans le même temps[2].

Trarieux, depuis plus d’un an, se survivait. Aucun de ceux qui s’étaient jetés dans l’Affaire n’avait renoncé à plus d’amitiés, d’ambitions légitimes et, ce qui lui fut surtout douloureux, à plus de vieilles idées chères. On pourrait dire qu’il s’était recommencé, comme un sculpteur qui remet une statue à la fonte. Il venait de loin, des confins les plus reculés du modérantisme républicain (il fut très hostile à Gambetta), et il serait allé très loin, après la révolution qui s’était faite en lui, jusqu’aux marches du socialisme. Mais le choc fut trop violent, l’ébranlement intérieur trop profond, quelques déceptions trop cruelles. L’injustice, la calomnie systématiques lui firent plus de mal qu’à aucun autre, même pendant la fièvre de la bataille où il avait été si ferme et si stoïque, d’abord au côté de Scheurer, puis à la

  1. 5 mars 1904.
  2. Trarieux le 13 mars, Duclaux le 2 mai, Molinier le 19 mai, Gallé le 23 septembre 1904.