Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
291
L’ENQUÊTE


trouvés du côté des plus forts. Mais c’était un fait aussi qu’il était plus dramatique de parler pour Dreyfus à l’île du Diable et Picquart en prison que devant Picquart, à l’audience, écoutant son éloge, et pour Dreyfus attendant, au coin du feu, le journal du soir.

Le réquisitoire de Baudouin parut très solide, malgré des longueurs et quelques erreurs[1]. Il avait pénétré en deux mois, sinon au plus profond, du moins très avant dans cette histoire que, de son propre aveu, il n’avait point vécue. Certains de ses récits, l’enquête de Du Paty, la découverte d’Esterhazy par Picquart, la collusion de 1897, sont excellents. Ses jugements sur les hommes sont équitables, exacts, sauf sur Billot qu’il ménage de parti pris[2]. Il a un sens très sévère du droit dont il ne se départit jamais, qu’il s’agisse de Picquart, qui lui paraît une figure de Plutarque, ou de Du Paty, qu’il méprise. Ainsi il s’élève contre Du Paty pour avoir refusé de faire voir à Dreyfus, au Cherche-Midi, la lettre qu’on l’accusait d’avoir écrite[3], et il

  1. L’absence d’Henry lors de l’arrivée du petit bleu (Cass., IV, 893) ; — or, Henry reçut lui-même le paquet qui contenait les fragments du petit bleu, mais ne le vérifia point avec son soin ordinaire (Voir t. II, 239, et Rennes, I, 416, 425, Picquart) ; — au moment du faux Weyler, l’ignorance d’Henry au sujet des recherches de Picquart sur Esterhazy et sur Dreyfus, recherches qui auraient été connues seulement de Boisdeffre, Gonse et Du Paty (IV, 99), alors qu’Henry en fut informé du premier jour ; (Voir t. II, 250, 258, 277 et Cass., I, 157, Affaire Picquart, 275, Rennes, I, 426, etc. Picquart). — Baudouin place en 1897, au lieu de 1896, la visite d’Esterhazy à Weil et la lettre anonyme qui leur annonce qu’ils vont être dénoncés à la tribune de la Chambre (IV, 111 ; voir t. II, 439, et Procès Zola, I, 288, Picquart ; Cass., I, 309, Weil.)
  2. « Billot qui, dans toute cette affaire, a eu le sentiment exact de ce qu’il fallait faire. » (Cass., IV, 117.)
  3. Cass., IV, 72, 75 : « Pour remplir les fonctions de juge instructeur, il faut une grande droiture de pensée et de procédés, il faut une impeccable loyauté, il faut avoir le souci des