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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


nations contre Dreyfus[1] » ; il faut regarder ailleurs, vers les grands chefs, « à qui il était aveuglément dévoué, capable de tout pour obéir à un signe, prévenir un désir qu’il a cru comprendre[2] », et surtout vers Du Paty[3]. C’était l’orientation que Picquart avait donnée à Targe au début de l’enquête d’André ; tous deux avaient commencé par la suivre, et elle les aurait égarés dans les hypothèses sans « le bon poteau indicateur, à l’index infaillible », qu’avait été Gribelin et qui les avait ramenés vers les faits[4]. Picquart n’a pas été trompé par Henry plus que ne l’ont été Boisdeffre ou Billot et tous ceux qui ont eu affaire à l’étonnant paysan ; mais il se refuse à l’avouer. Quand il disculpe Henry d’avoir été soit l’inventeur de tant de faux, soit l’associé d’Esterhazy, il défend sa vigilance et la connaissance qu’il se croit des hommes.

III

Brisson, pendant cet été de 1903, raconta dans une série d’articles[5] ses Souvenirs de l’Affaire, pourquoi il

  1. Gazette de Lausanne du 1er août 1903.
  2. Gazette du 2 juin.
  3. Gazette du 1er août. — Picquart, à l’exemple de Cuignet, va jusqu’à attribuer à Du Paty la lettre d’Henry à Papillaud : « La Libre Parole, avertie par une lettre mystérieuse qui est due probablement à Du Paty, annonça au public l’arrestation de Dreyfus. » — Voir p. 303 et t. Ier, 190. — Du Paty protesta vivement contre les assertions de Picquart (Temps du 5 août 1903).
  4. André, Cinq ans de Ministère, 283 : « Il nous faut toujours revenir à Gribelin. Gribelin, c’est le bon poteau indicateur placé aux carrefours où l’on hésite, et dont l’index infaillible montre la route à suivre. »
  5. Ces articles parurent dans le Siècle (mai-septembre 1903.)