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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


procédure légale, il aurait été le premier à s’en réjouir, car « tous » doivent désirer la réhabilitation d’un officier français. Mais n’est-ce pas encore sur le terrain politique que les socialistes, et le gouvernement avec eux, s’efforcent de porter cette douloureuse histoire ? Qu’est-ce que cette enquête, acceptée par le ministre de la Guerre, avant même qu’elle n’ait été proposée ? Est-il chargé de préparer les éléments des revisions futures ? Quelle compétence a-t-il ? Quels sont ces magistrats auxquels il se propose de faire appel ? — Combes, l’interrompant, explique qu’il s’agit seulement pour André « de couvrir sa responsabilité » quand il ouvrira le dossier, afin qu’il ne puisse pas être accusé d’en avoir soustrait ou d’y avoir ajouté des pièces. — « Quoi ! reprend Ribot, dans un pays comme le nôtre, le ministre de la Guerre a-t-il besoin de se défendre contre les soupçons ? »

Vraiment, du haut de la tour d’où il a contemplé le déchaînement des vents et des flots, il oublie par trop à quels soupçons les plus intègres et les plus purs ont été en butte, dès qu’ils ont fait un effort vers la Justice[1] ! Mais il a flatté la majorité dans sa peur de l’impopulaire Affaire et, quand il descend de la tribune, après avoir admonesté tour à tour Cavaignac pour n’avoir point pris lui-même la direction du procès en revision, Jaurès pour être resté sourd aux avertissements qu’on lui a prodigués de ne pas rouvrir l’ère des discordes, et Combes enfin pour se laisser entraîner « à cette politique désordonnée », il a changé le sort de la journée : ou le gouvernement se dégagera des socialistes, ou sa défaite est certaine.

  1. Cuignet, par la suite, accusera, sinon André, du moins les collaborateurs d’André d’avoir falsifié les pièces du dossier. (Voir p. 312).