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LE BORDEREAU ANNOTÉ


Merle reçoit bien la lettre de Dumas qui lui a été adressée sous pli recommandé, mais aussitôt des soupçons lui viennent que son ami est quelque émissaire des Dreyfus. Quand ils se revoient[1], Dumas se heurte à un mur. Obstinément, Merle déclare qu’il ne veut rien faire, surtout, « qu’il n’a rien dit ». Dumas insiste, explique qu’il se croit, lui, tenu de parler : « Faites ce que vous voudrez, répond l’officier ; pour ma part, formellement, je n’ai rien dit. »

Voici maintenant la version de Merle. Il a rencontré souvent Dumas au restaurant, au café, avec des amis communs ; « il a eu bientôt le sentiment qu’il rôdait autour de lui pour lui faire parler de l’Affaire » ; il s’y est résolument refusé, « ne lui a pas fait la moindre confidence », « ne lui a pas dit un seul mot au sujet du procès de Rennes ». Le docteur l’a poursuivi à sa campagne de Saint-Georges ; Merle « ne lui a pas permis même l’accès de sa maison » ; « une autre fois, il l’a rabroué devant témoins[2] ». — Pourtant, Merle convient que le médecin de Pontchartrain lui a parlé « d’un bordereau signé de l’Empereur d’Allemagne », mais il n’ajoute pas qu’il le tient pour un faux ni qu’il n’en a jamais été question à Rennes[3].

    tervention de Mathieu ; il dit simplement : « Je me suis cru autorisé par cette déclaration à adresser, en quittant momentanément Montpellier, une lettre au commandant sur ce sujet. » — Merle : « Il m’a adressé une lettre à laquelle je n’ai pas répondu. » (Déposition du 19 mai 1904, reçue par Fresquet, juge à Montpellier, en vertu d’une commission rogatoire de la Cour de cassation.)

  1. Vendredi 24 octobre.
  2. Éclair de Montpellier, 12 et 15 avril 1903 ; dép. du 19 mai 1904.
  3. « Le docteur ajouta : « Je sais aussi qu’on vous a communiqué un bordereau signé de l’Empereur d’Allemagne et ce bordereau, aujourd’hui, a été reconnu faux. » (Déposition du 10 mai 1904.)