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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


gnages, tant d’extraordinaires machinations, explicables seulement s’il a un intérêt personnel à sauver Esterhazy et à perdre Dreyfus, et son suicide même, dans l’angoisse de ses autres crimes qui seront ensevelis avec lui.

Ainsi l’on avait beau faire passer le procès de la cour d’assises au tribunal civil, de l’article le plus étroit sur la presse à l’article le plus large du Code, toujours il fallait revenir à l’accusation précise que j’avais portée, qui était vraie ou fausse, mais qui ne pouvait être confirmée ou démentie que par les témoignages de ceux qui savaient ou de ceux qui avaient recueilli leurs confidences. Ou il fallait supprimer le procès lui-même, décider que l’ancienne et la nouvelle demande de la veuve d’Henry étaient également irrecevables, juger que les tribunaux ni les cours n’ont qualité pour écrire l’histoire.

C’est ce que Lailler plaida pour moi, avec une belle ardeur de parole, et Lévy-Salles pour le gérant du Siècle, et feignant seulement de s’étonner que leurs adversaires se refusassent à l’enquête, alors qu’ils auraient dû la réclamer avant moi pour me confondre. Mais, ni Chenu ni Saint-Auban n’eurent cette habileté ou ne commirent cette faute loyale, parce qu’il était plus facile de m’injurier et parce qu’ils n’avaient nulle envie d’élucider la ténébreuse aventure de leur client. Ils lurent ses états de service et quelques lettres élogieuses qu’il avait reçues de ses anciens chefs. Lailler donna lecture des états de service d’Esterhazy et des lettres non moins louangeuses qu’il avait reçues des mêmes chefs ou d’autres généraux. Henry avait copié sur un carnet de belles maximes. N’en était-il pas moins un faussaire, de son propre aveu, et un faux témoin ?

Rome, le substitut, conclut au rejet à la fois de ma