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L’AMNISTIE


danger ; qu’André et lui ont celui de ne pas fournir aux conseils de guerre l’occasion d’une nouvelle injustice ? Il se tut.

Halgan, de la Droite, le provoqua : « Le gouvernement ne répond rien ? » Il continua à se taire.

Tous les amendements furent rejetés, la loi finalement adoptée par 194 voix contre 10.

Ainsi l’emporta la ténacité de Waldeck-Rousseau. Il aspirait à d’autres batailles « plus dignes du Parlement » et de lui-même, « et plus décisives », mais il ne doutait pas qu’en livrant et gagnant celle-ci, il n’eût rendu un grand service à la République.

XXIII

Bien que Waldeck-Rousseau fût informé de l’extrême animosité dont Picquart manifestait à son égard, à cause de l’amnistie, il n’était pas homme à faire dépendre son jugement ni ses actes de considérations personnelles ; très juste lui-même, ou s’efforçant de l’être, il ne s’étonnait pas de ne point rencontrer chez autrui la même équité ; et, tenant toujours Picquart en haute estime pour la fermeté de son caractère, son courage, la dignité de son attitude pendant l’épreuve, il eût voulu être celui qui mettrait fin à ses disgrâces. Assuré que le Conseil d’État ferait droit au pourvoi que Picquart avait introduit, depuis trois ans bientôt[1], contre sa mise en réforme, il s’était entendu avec André pour le nommer aussitôt après colonel et lui confier en Afrique, sous des chefs amis, un commandement

  1. Voir t. III, 324 et 494.