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L’AMNISTIE


par témoins la preuve de mes assertions. Saint-Auban, avocat de la veuve d’Henry, insista, lui aussi, pour la cour d’assises, m’injuria de son mieux, convint toutefois « qu’il ne me croyait pas d’accord, en secret, avec le ministère public ».

La Cour ayant accepté notre thèse, le Procureur général se pourvut aussitôt devant la Cour de cassation et l’audience fut levée.

Il n’y avait pas dans la vaste salle de la cour d’assises, en dehors des témoins, plus d’une centaine de spectateurs, parfaitement calmes, venus là comme à une séance académique. Combien loin les foules frémissantes d’autrefois, prêtes à en venir aux mains, les tempêtes du procès Zola qui avaient grondé dans cette même salle ! L’écho même s’en était éteint. Ces témoins qui portaient les noms les plus fameux de l’Affaire semblaient des revenants qu’on eût mieux fait de laisser dormir dans leurs tombeaux.

La discussion de l’amnistie à la Chambre remplit quatre séances (6, 13, 17 et 18 décembre). À l’ordre du jour : projet de loi sur l’extinction de certaines actions pénales ; ce sont les actions à raison de faits se rattachant à l’Affaire ; projet de loi sur l’amnistie, le dernier que vient de voter le Sénat. — La Chambre ordonne qu’ils seront soumis à une discussion commune.

Point de doute que l’amnistie sur l’affaire Dreyfus sera votée par les Gauches ; la Droite et presque tout le Centre, qui la réclamaient furieusement il y a sept mois, ont décidé de voter contre, parce que le gouvernement refuse d’y ajouter l’amnistie pour les condamnés de la Haute-Cour.

Drumont parle le premier. Il demande l’amnistie pour Déroulède et Guérin. Comment la refuser « alors qu’on laisse impunis des hommes comme Reinach qui n’a pas