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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


à eux, aux heures où l’humanité paraît trop laide, — Waldeck-Rousseau dit à peine quelques mots pour affirmer sa confiance dans « la loyauté de l’armée » ; puis il laissa faire.

Bourgeois parla, avec le sentiment très net du devoir républicain, dit avec beaucoup de bonheur ce qu’il fallait : « L’Affaire doit demeurer exclusivement et définitivement enfermée dans le domaine judiciaire » ; ceux qui cherchent à la ressusciter ailleurs, ce sont les gens de droite qui voient en elle « une cause d’affaiblissement pour la République » ; les républicains, ayant conscience « d’avoir voté sans compter toutes les mesures nécessaires à l’accroissement des forces de la défense nationale », ont, une fois de plus, le devoir étroit de s’unir, « de faire bloc contre les éternels ennemis de la liberté civile ». Bourgeois propose donc à la Chambre « d’approuver les actes du gouvernement », indemne des fautes qu’on lui reproche, et de se déclarer « sûre du dévouement de l’armée à la patrie et à la République ».

La majorité ordinaire, un peu affaiblie, d’environ cinquante voix, se retrouva pour voter cette formule[1].

Ainsi la conspiration ne rapporta rien aux conspirateurs. Les républicains apparurent comme plus hostiles encore que les nationalistes à la « reprise de l’Affaire » et Waldeck-Rousseau fut poussé plus à gauche. La démission de Galliffet, qui avait surpris la droite, tourna également contre elle. Le soir même, dès qu’il se fut assuré que le général était parti sans esprit de retour,

  1. L’approbation des déclarations fut votée par 286 voix contre 234. Quelques républicains de gauche qui, depuis quelque temps, votaient avec le gouvernement, votèrent contre, notamment Barthou, Berthelot, Cruppi, Cochery, Delombre ; Poincaré s’abstint.