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L’AMNISTIE


général à l’armée. Il avait la manie d’écrire, écrivait de verve, d’un style vif, brusque, incorrect, mais d’une incorrection de grand seigneur qui ne prend pas la peine d’épurer, affectait la crudité d’expression et la trivialité comme une élégance de haut goût, lançait ses boutades comme des charges. Et, là encore, il était double ; tantôt, vraiment débridé, il jetait sur le papier, sans ménagement ni pudeur, tout ce qui lui passait par la tête ; tantôt, parce qu’on le croyait moins sûr de sa plume que de son sabre, il faisait passer, sous le couvert de l’emportement, des méchancetés ou des imprudences calculées. — Il ne décidait rien d’important, depuis qu’il était ministre, sans consulter Waldeck-Rousseau, jusqu’à exagérer le respect ; il n’en fit rien, cette fois, et cela de propos délibéré, pour n’avoir pas à rengainer sa prose ; il la communiqua directement aux chefs de corps et aux journaux :


L’incident est clos ! Les juges militaires, entourés du respect de tous, se sont prononcés en toute indépendance. Nous nous sommes, sans arrière-pensée aucune, inclinés devant leur arrêt. Nous nous inclinerons, de même, devant l’acte qu’un sentiment de profonde pitié a dicté à M. le Président de la République. Il ne saurait plus être question de représailles, quelles qu’elles soient.

Donc, je répète, l’incident est clos.

Je vous demande et, s’il était nécessaire, je vous ordonnerais d’oublier ce passé pour ne songer qu’à l’avenir.

Avec tous mes camarades, je crie de grand cœur : « Vive l’armée ! » à celle qui n’appartient à aucun parti, mais seulement à la France[1].


La formule : « l’incident est clos… », qui lui plut

  1. 21 septembre 1899.