Page:Joseph Reinach - Histoire de l’Affaire Dreyfus, Eugène Fasquelle, 1908, Tome 6.djvu/122

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
112
HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

Le jeune Castellane demanda à interpeller « sur les raisons qui avaient empêché le gouvernement de démentir les assertions de M. Joseph Reinach au sujet de l’affaire Dreyfus dans le discours récemment prononcé à Digne ». Gouzy, ancien officier, député du Tarn, demanda (d’accord avec Waldeck-Rousseau) à interpeller sur la politique générale. La priorité fut ordonnée en faveur de Gouzy (22 mai).

Vive passe d’armes d’abord, après un grossier discours de Cassagnac, entre Waldeck-Rousseau et Ribot. Du premier jour, il y a vingt ans, où ils se sont rencontrés dans la Chambre, l’hostilité de leurs natures a éclaté. La courtoisie hautaine de Ribot, ses conseils qu’il offre comme on donne une leçon ou des coups de férule, sa tenue de doctrinaire, l’insécurité de ses alliances, irritent Waldeck-Rousseau ; d’autre part, le jacobinisme intermittent de Waldeck-Rousseau, ses hardiesses de conservateur à la mode anglaise, le dilettantisme apparent qu’il porte dans la politique, offensent Ribot, si bien que toute discussion entre eux devient un duel. Ainsi, ils se blessent encore aujourd’hui : Ribot cherche en vain chez Waldeck-Rousseau « la largeur d’esprit de Gambetta » ; Waldeck-Rousseau « se console » de subir de Ribot « les mêmes censures que Gambetta et Ferry ». Pourtant le coup droit fut porté par Ribot, quand il expliqua, allant au cœur de la Chambre, que l’amnistie étant une mesure de politique générale au premier chef, il eût fallu ou bien ne pas la présenter ou bien emporter rapidement le vote.

Waldeck-Rousseau ne tient pas le vote de Paris pour « négligeable » ; mais Paris n’est plus « le grand et souverain directeur de l’opinion » ; d’ailleurs, a-t-il voté contre la République ? « La vérité, c’est qu’avec la plus grande habileté, on a su réveiller le funeste