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L’AMNISTIE


de bureau devient le mobile de tout. Des froissements d’abord, puis une guerre sourde, où bientôt tous les moyens paraîtront bons. Quand l’atmosphère est saturée de passions aussi vives que celles qui sont sorties de l’Affaire, de l’animosité à la félonie il n’y a qu’un pas.

Galliffet a donné une consigne formelle : « Défense absolue de s’occuper désormais, de l’Affaire. » « L’incident est clos », surtout pour l’armée, surtout pour le bureau des Renseignements[1]. Il dit à tout son monde : « Ne m’en parlez plus. » « Il se serait mis en colère si on lui en avait parlé[2]. » — « Peur de le mécontenter », on ne lui en parle plus. C’est la seule partie de la consigne qui soit observée.

Tout cet épisode, très bas et encore obscur, qui conduira à la démission de Galliffet et aura pour l’armée des conséquences très graves, c’est la conspiration du bureau des Renseignements contre la Sûreté générale, l’intrigue des trois capitaines, François, Mareschal et Fritsch, contre Tomps. Dominés par le souvenir de l’Affaire[3], ils sont convaincus que la Sûreté, elle aussi, est préoccupée seulement de l’histoire d’hier, de la revanche à prendre contre l’armée qui a condamné Dreyfus. Dès lors, il n’y a plus qu’une question qui compte, c’est de ramasser des preuves contre elle, d’en forger au besoin, de persuader aux grands chefs, fatigués ou dupes, que la Sûreté n’a qu’un dessein : détruire le jugement de Rennes.

  1. Procès Dautriche, 404, Delanne.
  2. Ibid., 652, Galliffet.
  3. « Ainsi que le démontrent les quatre gros volumes de coupures saisies dans les bagages de François et des notes nombreuses, cet officier n’a pas un instant perdu de vue l’affaire Dreyfus. » (Procès Dautriche, article, 41, conclusions du lieutenant-colonel Rabier.)