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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS


faux témoin Savignaud pour l’ordonnance de Picquart (alors que l’ordonnance du colonel s’appelait Roques), et à fortifier le mensonge de cet homme par cette supercherie[1]. — Et, tous les jours, Henry s’élargissait ; dès qu’on faisait le tour d’un des crimes du drame, on l’y trouvait. J’établis ainsi qu’il avait été l’âme du complot contre Picquart[2], que le grattage du petit bleu était son œuvre[3], qu’il était l’auteur des fausses dépêches si longtemps attribuées à Du Paty[4], qu’il avait commis bien d’autres faux que celui qui portait son nom[5] ; pendant des années, il avait tout mené, tout combiné, tout surveillé, inlassable et insaisissable, sauf par l’histoire, et, sans lui, il n’y aurait pas eu d’Affaire[6]. Papillaud ayant laissé prendre copie de la lettre où Henry lui révélait l’arrestation de Dreyfus[7], je la publiai : dans quel intérêt Henry avait-il jeté le nom du juif à la meute hurlante, à l’heure même où Mercier inclinait à abandonner les poursuites[8] ?

  1. Lettres de Freycinet à Zurlinden, du 16 décembre 1898 (Cass., II, 309), et de Trarieux à Freycinet, du 20 mars 1899 (Rennes, III, 455).
  2. Siècle du 7 mars 1899, la Genèse d’un crime.
  3. Siècle du 4, Henry contre Picquart.
  4. Siècle du 2 avril, Du Paty, Henry et Esterhazy.
  5. Siècle des 23 et 24, Autres faux. Je contestai notamment la fameuse pièce Canaille de D…, parce qu’il ne pouvait venir à l’idée ni d’un Allemand ni à celle d’un Italien de mettre au masculin un mot qui, étant le même en italien et en allemand qu’en français, y est également du genre féminin.
  6. Siècle des 7, 9, 21, 29 avril, etc., la Grande Lumière, Essai de psychologie, Henry, Guénée père et fils et Cie.
  7. La copie me fut communiquée par un rédacteur du Siècle, qui l’avait d’un ami de Papillaud.
  8. Siècle des 2 et 4 avril. — Voir t. I, 191. — Le 11 avril, un ancien employé de l’État-Major où il servait de secrétaire à Henry, Lorimier, se pendit au Catelet, près de Saint-Quentin, dans des circonstances restées mystérieuses. Il était revenu « au pays », après la mort d’Henry, avec un certificat de mise en disponibilité pour raison de santé.