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RENNES


cier : « Vous avez sur vous une photographie du bordereau annoté. » Un mois durant, ce sera l’objet des conversations militaires[1] ; mais le « Syndicat » s’en taira, ni Demange ni Labori n’exigeront un désaveu.

Pourquoi ? Parce qu’il a été « admis », convenu, depuis cinq ans, avec Dreyfus lui-même, que le bordereau sur papier pelure serait le bordereau original.

X

Je tiens de l’un des juges du premier procès que, le troisième jour, comme il croyait Dreyfus et Demange informés du pli que Maurel avait reçu de Du Paty et avait placé devant lui sur la table du conseil, il s’impatienta d’entendre chicaner sans fin du bordereau et fut sur le point d’interrompre : « Mais parlez donc des preuves qui sont là-dedans ! » — le pli de Mercier avec les pièces secrètes. Tout le reste du procès lui parut être du « battage ».

Même phénomène à Rennes, sauf que la preuve décisive, dont la défense se garde de parler, c’est le bordereau sur papier fort. Correctement, ces soldats, en service commandé, vont écouter jusqu’au bout l’interminable défilé des témoins. Mais l’Affaire n’est pas là ; plaidoyers et réquisitoires, ceux des militaires comme ceux des civils, c’est pour le public, et les quelques questions qu’ils posent ou sont banales ou se réfèrent au redoutable sous-entendu qui domine tout.

Mercier sait que le faux invisible combat pour lui (à

  1. Récit du général Jourdy. — Voir p. 219.