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RENNES


de cruelles préoccupations (sa fille malade qui mourut le mois d’après), et il suivit tout le procès, le plus attentif des spectateurs et le conseiller à la fois le plus avisé et le plus ferme.

IX

Revenons maintenant à l’audience du 14, quand Jouaust rouvrit les débats et fit d’abord rappeler Mercier.

Les juges (Jouaust, puis Brogniart) lui posèrent un petit nombre de questions, mais les trois dernières étaient, dans leur esprit, toute l’Affaire.

Lui, sur la corde roide de son imposture, où le moindre déplacement d’équilibre, un grain de trop de vérité ou de mensonge, le faisait chavirer, pesa, calcula tous ses mots.

À la question de Jouaust si Esterhazy a été employé par Sandherr : « Non, jamais à ma connaissance. »

« Esterhazy, reprend Jouaust, a d’abord nié être l’auteur du bordereau ; depuis quelque temps, il dit qu’il en est l’auteur ? — Je crois que c’est un mensonge. » (À la différence de Gonse, Boisdeffre et Roget qui vont déclarer formellement[1] qu’Esterhazy ment.) Il rappelle sa déposition de l’avant-veille, la précise : « Quand même ce serait l’écriture d’un autre, l’examen du bordereau impose la conclusion qu’il a été fait sous l’inspiration de Dreyfus. »

  1. Rennes, I, 268, Roget ; 528, Boisdeffre ; 537, Gonse.
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