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CHAMBRES RÉUNIES

IV

On n’en connaissait encore qu’un morceau, mais qui augmentait la curiosité : le résumé de la déposition d’Esterhazy, fait par lui-même, qu’il avait vendu à un journal anglais et fait paraître le jour même où les conseillers reçurent leurs volumes[1]. Il avait menacé ses anciens protecteurs de cette publication, mais ils avaient refusé, cette fois, de « traiter », ou ses exigences furent trop fortes[2]. Il écrivit à Laguerre, qui se donnait pour l’émissaire de Dupuy et de Freycinet : « J’ai rendu des services considérables ; j’ai été un soldat sans peur sur le champ de bataille ; je suis aujourd’hui l’homme le plus abominablement déshonoré du monde ; les cochons qui s’imaginent que

  1. 4 mars 1899. — La publication du journal anglais était précédée d’une lettre d’Esterhazy : « Je m’engage très volontiers à offrir au Daily Chronicle les manuscrits de tout ce que j’avais l’intention de publier dans les journaux relativement à l’affaire Dreyfus… « Aussitôt qu’il eut empoché l’argent (5.000 francs), il communiqua une copie de son récit à son éditeur parisien, qui en fit une plaquette. « Ce fut, dit Esterhazy, une « crasse » de Fayard. L’Anglais s’est fâché ; il a diminué de moitié le prix de mes articles. » (Matin du 17.) — Massingham, l’éditeur du Daily Chronicle, communiqua une autre copie à Pressensé, qui se rendit à Calais pour la recevoir directement des mains de Norman, l’un des collaborateurs du journal. (Vaughan, loc. cit., 271.) — Le journal anglais avait exigé d’Esterhazy qu’il fit, devant « le commissaire pour administrer les serments devant la Cour suprême de judicature », la déclaration écrite, « conformément aux dispositions de l’acte du Parlement de 1835 », « que son récit et sa note sur Henry étaient conformes à la vérité. La déclaration, du 28 janvier 1899, est signée d’Esterhazy et du commissaire Crawley.
  2. Lettre du 27 février 1899 à Cabanes : « Mme Pays, qui vient de passer 24 heures avec moi, vous expliquera de vive voix mes