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HISTOIRE DE L’AFFAIRE DREYFUS

VI

La déposition de Casimir-Perier, qui précéda celle de Mercier[1], en eût pu être le contre-poison si ces cerveaux de soldats n’avaient été intoxiqués au point que les poisons seuls s’y absorbaient.

L’ancien Président de la République s’était récemment irrité que les journaux nationalistes et Carrière l’eussent mis en cause, comme le seul homme, avec Mercier, qui fût informé du secret de cette ténébreuse histoire. On l’avait vu courir aussitôt chez Krantz, alors ministre, et exiger que Carrière démentît ses propos ou fût frappé pour les avoir tenus à un journaliste[2]. Il avait toujours accepté la responsabilité de ses actes, mais n’en supportait pas d’autre.

Il commença donc son témoignage par cette déclaration qui ne répondait, dans sa pensée, à rien de précis, mais qui recevait des manœuvres souterraines de Mercier une importance capitale et qui aurait été décisive en d’autres temps :

  1. Au début de l’audience, Dreyfus, sur une question de Jouaust, reconnut la copie du bordereau qui avait été prise par le directeur du dépôt de Ré dans l’un de ses vêtements. (Voir t. Ier, 569.) Le greffier Coupois donna ensuite lecture du rapport du docteur Ranson, sur l’attitude de Dreyfus pendant la traversée à l’île du Diable, et d’une lettre du même sur « le roman » que le Gaulois avait publié à ce sujet. (Voir t. I, 569, et IV, 422.) — Sur la déposition de Delaroche-Vernet, secrétaire d’ambassade à Berlin, qui précéda celle de Casimir-Perier, voir p. 378.
  2. Rennes, I, 67. — Voir p. 180. — À la veille du procès, les journaux avaient recommencé à le mettre en cause : « Casimir-Perier qui sait tout et ne veut rien dire. » (Quesnay.) « C’est lui dont nous sommes le plus pressés d’entendre la justification. » (Judet.)